L’école du crime (partie 1)

L’école du crime (partie 1)

Le fait fondamental

 

Peu importe dans quelle direction on se tourne, on voit de part et d’autre de ce vaste pays de grands agrégats de pierres mornes, accroupis tels des pièges qu’aurait façonnés quelque géant. Mais aucun piège n’a jamais possédé autant de gardiens, et certainement aucun piège n’a jamais donné lieu à autant de discours qu’on en délivre chaque année sur les prisons.

Un des vestiges les plus barbares de l’histoire des sociétés, une des réflexions les plus tristes sur l’ensemble de l’humanité est que la prison nous a suivis depuis le moment où le premier chef de tribu d’hommes des cavernes jeta un homme préhistorique dissipé dans une caverne noire et humide.

Depuis ce temps, la routine a peu varié, elle est peut-être plus animée à notre époque par l’addition de la torture, mais on la reconnaît toujours à quelques éléments essentiels qui ne changent pas.

Tout homme porte en lui sa propre idée de la prison et la définit comme une petite cellule faiblement éclairée, dans laquelle une personne peut être confinée pour qu’elle ne puisse plus frayer avec le reste de la société.

Étant donné les très nombreuses façons de parvenir à cette fin sans toutefois recourir à ce moyen, et étant donné aussi que cette petite cellule sombre demeure universellement fondamentale, il est étrange que personne n’ait essayé de mettre le doigt sur le fait fondamental. Ce fait existe depuis toujours. Peut-être que ce chef de la tribu des hommes des cavernes en avait connaissance, mais entre son époque et la nôtre, il est peu probable que la vérité pure ait jamais été mise par écrit.

Et cette vérité est sans doute plutôt crue pour notre société calviniste. Elle offenserait très probablement de nombreux esprits qui se soucient plus des conventions que de la vérité ou du bien général. Mais elle peut être formulée très simplement. Et c’est peut-être parce qu’elle est tellement simple qu’il a plu aux grands psychiatres et criminologues de ne pas la voir.

La condamnation d’un homme à la prison est le souhait concerté de toute la société que cet homme soit renvoyé dans le ventre dont il est sorti. C’est le regret de la masse que cet homme soit jamais né. Et tant que la société formulera ce souhait, les tribunaux et les représentants de la loi continueront à obéir à la règle de la multitude et perpétueront cette même idée sous de très sérieuses formes et d’un air très pompeux.

« Par la présente, vous êtes condamné… » pourrait bien se traduire par : « Vous n’auriez jamais dû exister en premier lieu. »

Il y a ceux qui, dans la barbarie éclairée de notre époque, ont assez d’esprit pour en voir l’absurdité fallacieuse. L’analogie entre une petite cellule sombre et le ventre maternel semble avoir échappé à l’attention qu’elle mérite. Mais il ne s’agit pas d’un fait mineur intéressant comme ceux qui sont si chers à Ripley. Il s’agit d’une montagne de faits qui nécessiteraient un siècle à démêler.

Voilà le criminel, debout devant le tribunal d’une soi-disant justice. C’est un être humain avec une tête, des bras et des jambes. Il est le fait accompli. Il ne sert à rien de souhaiter que son père ait été plus prudent. Il ne sert à rien de déplorer le fait que la nature lui ait donné de l’oxygène pour respirer et de la nourriture pour manger.

Pourtant, la société ne veut plus de cet individu. De toute évidence, il n’y a qu’une chose à faire à première vue, une seule chose qui soit vraiment sensée : le tuer et laisser les aumôniers se demander vaguement s’il a jamais eu une âme. Toutefois, le crime n’était pas si grave. Le juge fait vœu d’être débarrassé de lui pour une courte période, en supposant par un processus de raisonnement grandiose et sans aucun doute merveilleux que quelques années en cellule permettront à l’individu de naître à nouveau comme une personne complètement différente. On peut donc se demander pourquoi les juges semblent invariablement en colère quand le même individu, cinq ans plus tard, se présente à nouveau devant le tribunal à attendre un autre « La société regrette que vous soyez jamais né ».

Les masses, dont le juge exécute la volonté, ont trouvé le moyen de rester étonnamment dans l’ignorance, elles et la plupart de leurs psychiatres, quant à une multitude de faits émanant de ce vœu plutôt indécent.

L’homme pris individuellement pense à une cellule simplement comme à un endroit où le criminel sera complètement isolé jusqu’à ce que finalement il renaisse. Il est rare qu’il vienne à l’esprit de cet homme particulier qu’il est en fait en train de perpétuer l’habitude de placer le criminel individuel dans la société des criminels. Le fait que le criminel est en contact avec un très petit nombre de ses collègues en dehors des murs de la prison ne semble jamais entrer en ligne de compte.

L’idée que le criminel rencontre nombre des siens en prison et apprend d’eux quantité de choses qu’auparavant il n’avait que vaguement suspectées n’est pas nouvelle. Cependant, quand ce fait est aligné avec d’autres, la lumière se met à jaillir.

[…]

Voir partie 2

Le texte « L’école du crime » de Ron Hubbard est disponible dans son entièreté dans le livre Le philanthrope : La route vers le respect de soi-même de La Collection L. Ron Hubbard.